15 janv. 2010

Bienvenu 2010 !

Sans regrets, beaucoup d’entre nous ont dit adieu à l’année 2009, amorcée dans la morosité de la crise financière dont nul ne pouvait alors sérieusement prédire l’évolution, mais dont chacun redoutait la violence de son inévitable impact sur le sol de l’économie réelle. Le pire n’étant jamais sûr, cet annus horribilis, annoncé à longueur d’éditoriaux, de livres et d’émissions de télévision vilipendant l’ultralibéralisme et la religion du laisser-faire, n’a finalement pas changé la face du monde, qui continue de tourner autour du soleil à sa vitesse métronomique, insensible à nos grandes et petites misères humaines.
Tout compte fait, cette crise a eu au moins un mérite (si l'on peut dire), celui d’avoir obligé nos regards à s’élever, ne fût-ce qu’un instant de raison, au-dessus du plancher des vaches qui les attire tant pour nous inviter à réfléchir un peu à l’avenir, celui du capitalisme, bien entendu, mais aussi à celui du lien social menacé dans nos sociétés par trop d’iniquités.

N’empêche, une fois passés les moments d’intense cogitation collective provoqués par la grande peur de la récession, du chaos économique et du réchauffement climatique, nos conversations se sont à nouveau emplies d’échos futiles, des mystères de la maternité de Rachida Dati aux exploits amoureux imaginaires de Giscard en passant par la mort de Michael Jackson ou l’accident de santé de Johnny Hallyday. Dans cette inclination voyeuriste, les grands médias, qui nous nourrissent plus volontiers des faits divers à courte portée que d’analyses d’évènements internationaux, ont une responsabilité majeure ; il est évidemment plus facile, moins coûteux et surtout moins risqué de rapporter des images blafardes et stéréotypées doublées de quelques commentaires creux sur l’agression d’un élève dans un lycée de banlieue que d’envoyer une équipe de reportage dans une lointaine zone de guerre pour tenter d’en comprendre les enjeux et les répercussions, comme si Internet, Google ou Twitter permettaient désormais de s’en dispenser.

A défaut de faire évoluer les mentalités et les comportements, le débat sur l’identité nationale, bizarrement lancé à l’automne comme un pavé dans la mare par le gouvernement avait peut-être – explication assurément naïve - l’ambition d’élever le niveau de nos préoccupations. Las, n’est pas Renan ou Braudel qui veut. A force de dérapages plus ou moins contrôlés, ce débat mal organisé s’est donc presque naturellement fourvoyé dans la xénophobie honteuse avant d’échouer bientôt – on peut en faire le pari - dans l’indifférence générale. Sur ce thème glissant, extraites de L’étrange défaite, ces phrases de Marc Bloch, l’un des plus grands historiens français du XXème siècle alors persécuté et engagé dans la Résistance, apportent une contribution rétrospective émouvante: « La France, dont certains conspireraient volontiers à m’expulser aujourd’hui et peut-être (qui sait?) y réussiront, demeurera, quoi qu’il arrive, la patrie dont je ne saurais déraciner mon cœur. J’y suis né, j’ai bu aux sources de sa culture, j’ai fait mien son passé, je ne respire bien que sous son ciel, et je me suis efforcé à mon tour, de la défendre de mon mieux ». A l’orée de cette année 2010, que chacun espère meilleure que la précédente, comment dire plus simplement et avec autant de justesse que l’identité nationale est d’abord une adhésion spirituelle ?